Lè Pèguelyon de la Castafiore est une version en arpitan bressan de l'album de Tintin Les Bijoux de la Castafiore, parue chez Casterman en 2006. Elle a été diffusée à l'initiative de l'association Patrimoine des Pays de l'Ain. Le lancement a eu lieu au Musée des Pays en Bresse à Saint-Étienne-du-Bois (Ain). Il s'agit de la première traduction d'une bande dessinée en francoprovençal. Deux autres adaptations de Tintin dans cette langue sont parues l'année suivante (2007): L'Afére Tournesol (arpitan gruérien) et L'Afére Pecârd (version du même album, mais en arpitan standard, dans la graphie supradialectale proposée par Dominique Stich).
Langue et graphie utilisées
Les traducteurs, Manuel Meune et sa mère, Josine, n'ont pas cherché à utiliser une langue bressane supralocale, qui resterait à créer, mais ils ont eu recours à la variante qu'ils connaissaient le mieux, tout en s'inspirant d'écrits existants représentant d'autres variantes. La variante linguistique choisie est celle du sud de la "Bresse bressane" (région de Bourg-en-Bresse), et plus précisément celle du village de Confrançon (Ain), dont est originaire la traductrice. La compréhension est plus facile pour les locuteurs des localités du sud de la Bresse de l'Ain que pour ceux du nord (cantons de Saint-Trivier-de-Courtes et de Pont-de-Vaux) et de l'ouest (Val-de-Saône) ou pour ceux de l'est de la Saône-et-Loire. Malgré le glossaire en fin d'album, elle reste parfois difficile même pour certains locuteurs de cette variante de Bresse du sud, tant ils ont peu été habitués à lire leur langue maternelle.
La graphie adoptée est la graphie semi-phonétique dite de Conflans, mise au point par des Savoyards pour l'arpitan: on y souligne (ou met en gras) la voyelle accentuée afin d'indiqué si l'accent porte sur la dernière ou sur l'avant-dernière syllabe d'un mot. Cette distinction est particulièrement importante en arpitan; non seulement elle facilite la lecture d'une langue dont l'accentuation varie plus qu'en français, mais elle permet d'éviter certaines confusions (bena = "bonne" / bena = "Benoît"; édye = "eau" / édye = "aider"). On peut aussi ne souligner la voyelle accentuée que lorsqu'elle est dans l'avant-dernière syllabe et utiliser un tréma lorsqu'une voyelle est accentuée dans la dernière syllabe (édyë = "aider"). Cette graphie permet aussi de noter les interdentales, fréquentes en Savoie comme en Bresse: sh (correspondant à l'anglais think) et zh (anglais that). Les glossaires de bressan utilisent différentes variantes de la graphie de Conflans, qui note le son [k] généralement par le graphème "k" mais aussi par le graphème "c" / "qu". La variante choisie pour les Pèguelyon souligne la voyelle accentuée dans l'avant-dernière syllabe, mais utilise le tréma sur le -e final accentué, et le graphème "c / qu" pour noter [k].
Les toponymes sont adaptés à la réalité bressane. Le Château de Moulinsart devient "Lou shôté de l'Ônizhe" ("le château de l'Asnière), autre nom du château de Loriol, situé sur la commune de Confrançon. Le magazine illustré "Paris-Flash" est devenu Lyon-Flash ("La dépêche" La voix de la Bresse).
Accueil du public et des médias
L'album a bénéficié d'une grande attention médiatique (presse régionale, France 3, M6 Lyon) et d'un accueil bienveillant de la part de public bressan. Ceci témoigne à la fois de la notoriété de Tintin et de l'intérêt pour un patrimoine linguistique en voie de désaffection. Beaucoup se sont procurés l'album pour des raisons identitaires liées à l'attachement régional, car si certains avaient encore une connaissance au moins passive du bressan, d'autres ignoraient sinon son existence, du moins ses sonorités du bressan, qu'ils avaient soudain la possibilité de découvrir.
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